xZagx Equipe du CLAD
Messages : 119 Date d'inscription : 24/11/2007 Age : 37 Localisation : Dijon
| Sujet: Texte philo sur les droits des animaux - journal La Depeche Lun 31 Déc - 13:21 | |
| Je transmets. Paru dans le journal La Dépêche (la version papier uniquement, pas sur le web, enfin, pas trouvé) du dimanche 30 décembre 2007, page 6 nationale. - Citation :
- zone franche
Denis Tillinac Les animaux nos frères Deux chercheurs américains viennent de démontrer que les macaques rhésus sont aptes au calcul mental. On savait déjà les chimpanzés capables de maitriser un bon millier de mots et les qualités intellectuelles des rats ne sont plus à prouver depuis les expériences de Jean Rostand. Des études ont souligné combien l'affectivité des animaux est proche de celle des humains à maints égards, y compris la perméabilité au sentiment d'injustice. Un film documentaire récent, "Les Animaux amoureux", s'inscrit dans la mouvance bizarre d'un mouvement où la recherche ethnologique rejoint le fantasme cosmogonique d'une équivalence de la nature humaine et de l'animale. Comme si, au terme d'un processus inauguré par Darwin et étayé par la déchristianisation de l'Occident, l'homme "moderne" voulait en finir avec l'idée d'une spécificité de sa condition. Idée ou superstition prométhéenne, cautionnée par la Bible qui accorde à l'humain une prééminence sur le monde en général, le règne animal en particulier? Le fait est que l'éthologie a repéré au fil du temps que les animaux ont le rire (et les larmes), que certains inhument parfois leurs morts, que d'autres s'adonnent au suicide - et qu'ils ne s'accouplent jamais anarchiquement. Il semble même qu'ils ne soient pas tous dépourvus d'une certaine perception du temps, ce qui leur a été longtemps dénié. En vertu de quoi Heidegger se trompait sans doute en affirmant que les animaux n'ont pas un "monde" propre. Il se trompait sans doute. Sachant que sur le plan génétique, nous sommes infiniment proches des grands singes, on se demande où situer la ligne de démarcation. Dès lors, assez logiquement, fleurissent des revendications plus ou moins écolos relatives aux "droits des animaux". Car nous les réduisons en esclavage, nous les parquons derrière des cages des zoos, nous les tuons en série, nous les chassons, nous les mangeons. S'ils nous ressemblent tant, pourquoi leur refuser la dignité que nous accordons à la personne humaine : comme nous, ils souffrent, physiquement et moralement; comme nous et peut-être davantage, ils patissent de la pollution. S'il s'avère impossible de légitimer une dignité applicable seulement à l'homme, nous voilà les infames geoliers d'un goulag planétaire, exerçant notre volonté de puissance sur des frères plus faibles que nous. La logique (évangélique et "droit de l'hommiste") voudrait que nous les libérions et les respections. Ou alors, il faut poser en axiome que seuls les humains ont une "ame", laquelle fonde notre dignité. C'est en gros la position des croyants monothéistes, surtout des chrétiens qui ont récupéré le mot "ame" chez les philosophes grecs et l'ont intégré à leur théologie. Encore faut-il croire en Dieu et en l'ame - et ce n'est pas forcément suffisant pour exclure le règne animal, certains théologiens tel Dreuwerman postulant que les animaux ont eux aussi une ame. Luther le laissait déjà entendre et les animaux jouissent d'un statut assez avantageux chez certains théologiens orthodoxes. Je n'ai pas d'avis tranché sur la question. Les vertébrés les plus proches de nous sur le plan intellectuel ou affectif ont évidemment une conscience. Donc vraisemblablement une ame. J'ai tendance à penser que notre emprise sur eux n'est pas très légitime et quand je contemple des loups ou des fauves dans leurs cages, j'ai toujours envie d'ouvrir les portes. La cruauté de l'homme vis à vis des animaux me choque d'autant plus qu'en définitive, elle singularise facheusement notre nature : les animaux, eux, ne sont jamais cruels. Prédateurs et jaloux comme nous, mais pas cruels. Et moins lourds de contradictions sans doute : mon amour pour le genre animal m'inspire un vif sentiment de culpabilité quand j'assassine une araignée ou une vipère mais je suis par ailleurs un carnivore pratiquant. Quoi qu'il en soit du problème dans sa dimension philosophique (ame? pas d'ame?), il est curieux de noter que l'homme, au début du troisième millénaire, s'efforce méthodiquement de ruiner la haute idée de lui-même conçue au long des siècles quand Dieu la cautionnait. On peut se demander ce qui, après les "déconstructeurs", lui restera pour tenir moralement debout. | |
|